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La ligne, non contente d’avoir des directions, a un sens, celui d’aller d’un point à un autre. 

La droite manque de charme, car c’est la plus efficace, elle va droit au but. 

La courbe, erratique, fait l’école buissonière. Ce qui la charge de poésie. 

Il arrive que deux courbes soient nées du même point. 

Il arrive qu’elles se retrouvent après avoir vécu leur vie de courbe, en un même point. 

Il appartient au poète de balader ces courbes en son âme et inconscience. 

Supposons maintenant qu’une fine membrane vienne lier ces deux courbes, comme la bulle de savon se tend et flotte entre les courbes qui la font exister…

Une surface est née. 

Que maintenant au moins une autre courbe se mèle au jeu, et un volume éclot…

C’est avec cela que je joue…

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A l’âge de 25 ans, Emmanuel Gillabert tombe par hasard en arrêt devant la vitrine d’Alexander Schaffner, « Goldschmied » à Bâle. Le Maître, essentiel, est trouvé.

S’ensuivent un apprentissage et 40 années dans l’exercice de la beauté formelle, de la ligne au volume. Mais, las de la miniaturisation dans la recherche formelle, quoique passionnante, E.G. ne rêve que sculpture. Il devra attendre l’âge de la retraite pour s’épanouir dans la disponibilité enfin trouvée.

Il choisit un matériau lui laissant toute liberté de forme, celle-ci étant sa seule préoccupation. De là cette absence d’effet de structure, de couleur rapportée, sinon un blanc lisse, ensemble de toutes les couleurs, la mieux apte à se jouer des ombres et des lumières. La ligne, son mouvement dans l’espace, ses combinaisons infinies avec d’autres lignes induisant une infinité de volumes et, partant, de vides. Des prises d’empreintes de ces formes permettent des répliques en bronze.

Toutes les sculptures offrent un mouvement de rotation extrêmement fluide, à la moindre sollicitation,
tant est vraie l’analogie de la sculpture avec la danse, dans son appropriation de l’espace.